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"Handicaps, gênes ou difficultés ressentis par les personnes dans le cadre de leurs déplacements en dehors du domicile", rapport de fin de contrat, contrat de recherche APF 00-05, août 2002

Handicap, gênes ou difficultés ressentis par les personnes dans le cadre de leurs déplacements en dehors du domicile. Résumé
Contrat APF 00-05
Handicap, gênes ou difficultés ressentis par les personnes dans le cadre de leurs déplacements en dehors du domicile.
Contrat de recherche APF 00-05
Rapport définitif
Août 2002
Eric Hauet,
Jean-François Ravaud

Résumé

Après avoir rappelé les évolutions du système de transports contemporain et résumé les principales interrogations que suscite la question de l'intégration dans ce dernier des personnes présentant une limitation ou une atteinte de leur capacité en matière de mobilité, nous situerons la recherche entreprise et les résultats obtenus à l'occasion de la mise à disposition des données de l'enquête HID - partie ménages.


1) Le contexte : un système de transports urbains sous pression
a) La congestion et le redéploiement des réseaux de transports

Le développement de l'usage de la voiture a augmenté l'engorgement des réseaux de transports, au point que l'on se demande aujourd'hui comment transformer les usagers de l'automobile en usagers des transports en commun. Cette transformation est cependant rendue d'autant plus difficile que le développement de l'usage de la voiture s'accompagne d'une certaine crise d'identité des transports collectifs. En effet, malgré les encombrements et les difficultés de stationnement, la qualité des transports en commun reste largement inférieure à celle de l'automobile : en moyenne, un déplacement en transport en commun demande deux fois plus de temps qu'un transport en voiture. Par ailleurs, du fait de la redistribution des localisations géographiques et des lieux de destination des déplacements, ce sont les déplacements de périphérie à périphérie qui augmentent aujourd'hui le plus rapidement, alors que les transports en commun sont mieux adaptés aux déplacements en centre ville, ou entre le centre-ville et la périphérie. Le développement de l'usage de la voiture a, quant à lui, élargi considérablement l'espace de vie des individus et augmenté leurs attentes vis à vis du système de transports. Depuis les premières études sur la mobilité urbaine effectuées dans les années 1970, on constate que le nombre de déplacements par personne et par jour, ainsi que le temps consacré à ceux-ci, restent relativement stables (autour de trois déplacements d'une durée totale d'une heure dans les pays européens). À tel point que l'on a pu parler de la loi de la "constance des temps de transport" : chaque individu consacrerait un temps identique aux développements urbains, mais l'augmentation des vitesses et, surtout l'intensification de l'usage de la voiture, lui permettraient d'aller de plus en plus loin. L'utilisation accrue des transports en commun, qui est souhaité afin de décongestionner les voies de transport, passe donc par une nouvelle amélioration de leur confort et par une augmentation de leur vitesse grâce à des aménagements urbains adaptés, qui pour une large part restent à inventer.


b) Un rationnement problématique des déplacements chez les personnes à mobilité réduite

Les sources de données utilisables pour un suivi de la demande de transports des personnes présentant des incapacités ou des limitations fonctionnelles demeurent actuellement peu nombreuses. Les enquêtes Transports réalisées par l'INSEE ou par la Direction Régionale des Transports en Ile-de-France, qui sont les principaux outils pour suivre l'évolution générale de la demande, ne s'intéressent à la mesure des difficultés ou gênes ressenties dans les déplacements qu'à l'occasion des toutes dernières enquêtes effectuées. L'enquête Transports en Ile-de-France a d'ailleurs joué un rôle pionnier dans ce domaine en permettant le repérage, dès l'enquête 1991/92, de personnes " handicapées ou gênées dans leurs déplacements " et l'interrogation complémentaire de ces personnes. L'analyse des données obtenues a conduit à relever la moindre fréquence des déplacements chez les personnes concernées et le paradoxe d'une utilisation de la marche comme moyen de transport proportionnellement plus importante chez les personnes filtrées, alors que ces dernières signalaient en même temps assez fréquemment la présence d'incapacités ou de limitations fonctionnelles susceptibles d'affecter précisément leur mobilité et tout spécialement la marche.
Des travaux antérieurs, réalisés sur l'enquête Ile-de-France 1983/84 et concernant cette fois les personnes ne se déplaçant pas du fait d'une incapacité (généralement permanente), avaient par ailleurs conduit à relever la coexistence assez fréquente, chez ces personnes, d'un véritable cumul de situations défavorisées, susceptibles d'accentuer encore le désavantage induit en propre par l'incapacité dans la vie quotidienne.

c) Les incertitudes liées au vieillissement de la population

L'augmentation tendancielle de l'espérance de vie et l'arrivée à la retraite des générations d'après guerre pourraient s'accompagner d'une augmentation sensible de la prévalence des personnes présentant une incapacité relative à la mobilité. La part des personnes présentant une incapacité légère semble d'ailleurs la composante la plus inflationniste de cet ensemble. Or, si l'incapacité légère est de nature à faire rarement obstacle aux activités fondamentales de la vie quotidienne, il n'en est pas forcément de même en matière de déplacement hors du domicile. Une évaluation claire reste à faire dans ce domaine. Elle est difficile, dans la mesure où les sources de données disponibles sont peu détaillées sur les deux plans qui doivent être pris en compte conjointement, c'est-à-dire les pratiques de déplacements et les limitations fonctionnelles ou les incapacités des personnes. Il n'est pas sûr, en effet, que les nouvelles générations, plus éduquées et plus mobiles, veuillent, à mesure qu'elles vont vieillir, se limiter autant que celles plus anciennes aux même âges dans leurs recours aux transports.

2) Objectif et méthode de la présente recherche
a) Les objectifs et les moyens

L'enquête Transports en Ile-de-France 1991/92 ne conduisait qu'à une assez faible prévalence de handicap ou de gêne en situation de transport (un peu plus de 4,1 %). On pouvait ainsi se demander si elle était bien représentative de la situation de l'ensemble des personnes concernées par des difficultés dans leurs déplacements. De plus, l'enquête ne permettait pas d'analyser comportements de déplacement des autres personnes présentant des déficiences si elles ne se désignaient pas elles-mêmes (ou n'étaient pas désignées par un proche en cas d'inaptitude à répondre) comme handicapées ou ayant des difficultés ou des gênes dans leurs déplacements. D'octobre 1998 à la fin de l'année 2001, l'INSEE a réalisé une enquête sur les conséquences des problèmes de santé dans la vie quotidienne des personnes. C'est ainsi qu'en parallèle à la tenue du recensement de mars 1999, près de 360 000 personnes vivant en domicile ordinaire ont été invitées à remplir un court questionnaire permettant de décrire rapidement leur situation. En se servant des réponses données, l'INSEE a désigné 20 000 d'entre elles pour une enquête beaucoup plus approfondie (appelée HID) qui a été menée à la fin 1999. Beaucoup d'aspects étaient, à cette occasion, appelés à faire l'objet d'une attention particulière : les déficiences et incapacités dont les personnes étaient affectées, ainsi que de nombreuses dimensions de la vie sociale des individus, dont la question des déplacements hors du domicile. La présente recherche visait l'exploitation des données réunies par cette enquête, à la fois du point de vue de l'analyse des déterminants de la gêne éprouvée dans les déplacements, comme du point de vue de la description des pratiques de déplacement constatées chez les enquêtés la veille de la venue de l'enquêteur (en excluant les déplacements effectués le dimanche).
Par ailleurs, en partenariat avec la DREEIF, une réflexion était menée parallèlement, en vue d'améliorer le questionnement relatif aux situations de gênes dans les déplacements dans la nouvelle enquête Transports Ile-de-France, prévue pour 2002. Cette réflexion a, en retour, conduit à donner une place particulière, dans la présente recherche, à l'analyse de la situation des Franciliens, et ce malgré l'absence de garantie de représentativité de l'enquête HID au niveau de la région. La question de l'enquête HID relative à l'expression d'une gêne dans les déplacements a d'ailleurs été finalement retenue pour filtrer la population faisant l'objet, dans la nouvelle enquête Transports en Ile-de-France, d'un questionnaire complémentaire. En effet, elle reflète bien ce que l'on veut étudier, puisque dans l'enquête régionale, c'est bien la gêne qu'il nous importe de repérer. Ensuite, il a été considéré qu'il s'agissait, à la fois de la question la plus synthétique que l'on puisse trouver (ce qui était requis par le protocole de l'enquête) et d'une question qui laisse ouverte la possibilité d'un cadrage de la population obtenue par rapport à l'ensemble de la population décrite dans HID.

b) Les questions de méthode

L'analyse des données apportées par l'enquête HID a tout d'abord conduit à s'interroger sur la relation qui pouvait exister entre la situation de gêne perçue à l'occasion des déplacements hors du domicile et l'état des aptitudes relatives à la mobilité des individus. Pour ce faire, les réponses données par les individus à un ensemble de neuf questions , posées à l'occasion du module de l'enquête spécifiquement dédié à la mesure de l'incapacité, ont été retenues afin d'identifier une population de personnes présentant les indices d'une incapacité plutôt sérieuse en matière de mobilité. 10,6% des personnes de 10 ans et plus habitant en ordinaire en France métropolitaine ont ainsi été repérés. Ce pourcentage est à comparer aux 10% de personnes du même âge et dans la même situation (en outre non confinées aux lit) qui se sont déclarées comme gênées dans leurs déplacements. S'il existe des discordances de statuts relativement fréquentes entre le fait de présenter une incapacité et le fait d'être gêné dans ses déplacements, au total la prévalence de la gêne dans les déplacements suit de près l'évolution avec l'âge de la prévalence de personnes présentant une incapacité, surtout si l'on tient compte des personnes qui, ne sortant plus, ne répondent pas à la question sur la gêne. Il faut cependant noter que l'identicité des courbes précédentes, au niveau de l'ensemble des répondants, ne se retrouve qu'incomplètement si l'on considère les seuls répondants habitant l'Ile-de-France. Dans la région, il y a en effet plus de personnes gênées que de personnes présentant une incapacité entre 50 et 70 ans. Au total, 8,9% de Franciliens déclarent une gêne dans leurs déplacements hors du domicile alors que seules 7 % présentent le signe d'une incapacité.
Pour finir, il faut relever les signes d'importantes différences de taux de réponses à l'enquête, selon l'âge et le sexe des enquêtés, entre l'Ile-de-France et la Province. Les analyses précédentes ont également été répétées en essayant de corriger les éventuels biais introduits par ce fait. Pour l'essentiel, les résultats demeurent.

3) Les résultats
Les résultats obtenus intéressent trois thèmes différents.
a) Le handicap, la gêne dans les déplacements et les comportements généraux de déplacements

Il semble y avoir un processus qui, de l'apparition de la gêne dans les déplacements conduit dans certains cas à son aggravation. Ce processus est tout particulièrement associé à la progression en âge des individus. Il s'accompagne d'une évolution de leurs pratiques de déplacement, mais cette évolution est encadrée par les dotations de moyens et les besoins (motifs) de déplacement des personnes concernées.
Comme on peut s'en douter, le niveau de la gêne dans les déplacements est relié à l'utilisation effective de la voiture :
- C'est ainsi que les personnes qui éprouvent une limitation sur certains itinéraires, et davantage encore celles limitées sur tous les itinéraires, dépendent généralement beaucoup plus de tiers pour leurs déplacements : la fréquence de l'utilisation de la voiture en tant que passager augmente chez eux.
- C'est sans doute l'absence de disponibilité de la voiture, même comme passager, qui oblige les individus à développer des stratégies de diversification et de multiplication des moyens de transports utilisés.
- Alors que les personnes simplement gênées dans leurs déplacements compensent l'absence ou l'impossibilité d'utiliser la voiture par un recours plus intensif de la marche et des transports en commun, les personnes limitées sur certains itinéraires tentent sans doute de réduire au mieux les distances parcourues avec chacun de ces deux modes, en particulier en les alternant et en les couplant avec les autres moyens de transport auxquels ils ont accès. La question de l'intermodalité se pose ainsi de façon particulièrement aiguë pour cette population. Malheureusement, l'enquête HID reste quelque peu imprécise du point de vue de la description de la succession des moyens de transport utilisés par les personnes et de leurs conséquences en termes de gêne - accrue ou non - et de déplacements parfois évités pour cette raison.

Par ailleurs, les analyses menées montrent que l'accessibilité et les difficultés rencontrées dans l'usage des moyens de transport collectifs sont globalement très reliés au niveau de gênes constatés dans les déplacements. Il est clair que l'amélioration de l'accessibilité physique des stations, ainsi que leur rapprochement géographique et l'adaptation des lieux où se rendent les personnes à mobilité réduite sont des facteurs qui doivent permettre d'atténuer la gêne éprouvée et qui sont susceptibles d'encourager un maintien ou une augmentation de la fréquence des déplacements effectués.
On peut également penser qu'un problème important est que les personnes limitées dans leurs déplacements (en particulier les plus limitées) ressentent le besoin d'un accompagnement à l'occasion de leurs déplacements. Une solution à ce problème pourrait être le développement de services de transport spécialisés pour personnes à mobilité réduite. Or, on doit constater la faiblesse de l'offre disponible. Pour être opérationnelle, une telle solution impliquerait de plus que soit trouvés des mécanismes de financement partagés de cette offre afin de préserver son accessibilité économique. L'enquête ne permet pas, cependant, d'analyser à quelles conditions et à jusqu'à quel point les personnes pourraient accepter de payer pour ce genre de nouveaux services.

b) La pertinence de la prise en compte de l'environnement géographique des personnes et les problèmes posés

Des variables de proximité géographique des équipements collectifs ont été passées en revue en tant que facteurs explicatifs possibles du niveau de gêne déclaré par les personnes dans leurs déplacements. Il est apparu qu'elles permettaient toujours d'expliquer une part de la gêne dans les déplacements rencontrée, mais une part plutôt modeste par rapport, par exemple, aux poids des variables sociodémographiques classiques.
Cependant, leurs influences restent sans doute largement sous-estimées dans les ajustements statistiques effectués, car elles interfèrent avec la nature des moyens de transport que peut utiliser la personne, et plus encore avec la nature des moyens qu'elle utilise vraiment et couramment. En fait, l'éloignement géographique des lieux considérés n'est synonyme de gêne dans les déplacements que lorsque les moyens sont inappropriés. Dans ce cas, il est certainement un puissant facteur explicatif de la gêne rencontrée. D'un autre côté, l'éloignement géographique est parfois permis, par un usage par les personnes justement tout à fait adapté ou satisfaisant de certains moyens de transport, ainsi que par des besoins de déplacement spécifiques. Il peut, alors, ne pas s'accompagner d'une gêne particulière.
Au terme de telles réflexions, il apparaît que des relations croisées existent entre toutes les variables examinées : les variables environnementales (parmi lesquelles se trouve la proximité géographique des principaux équipements), les variables comportementales (parmi lesquelles se trouvent les comportements de déplacement) et les variables reflétant davantage les situations individuelles (incapacité, gêne dans les déplacements).
Il apparaît difficile de restituer ces relations dans un ajustement économétrique dans lequel seules des données du moment, ou des données dont l'horizon temporel n'est pas clairement établi, seraient utilisées.

Est-ce du fait des problèmes méthodologiques que nous venons de soulever ou plutôt à cause de la spécificité de la zone considérée, mais le fait d'habiter en Ile-de-France constitue un facteur explicatif distinct des précédents. Il intervient, à la fois sur le niveau de la gêne dans les déplacements éprouvée ainsi que sur les comportements de déplacement constatés.
L'environnement de la région est spécifique à plus d'un titre. D'abord, le dispositif d'offre de
transports est particulièrement développé et comporte lui-même certaines spécificités (ce que l'enquête ne nous permet que sommairement d'apprécier).

Les comportements de déplacement qui sont constatés aboutissent également à donner l'image d'une région dans laquelle le besoin de se déplacer est quotidien et le reste jusqu'à des âges élevés, et ce pour les deux sexes. Le fait de ne pas pouvoir se déplacer peut, de ce fait, être vu comme le signe d'un désavantage particulièrement important, il peut par exemple être le signe d'une condition de santé particulièrement dégradée.
Pour ce qui est des moyens de transports utilisés, l'usage de la voiture (en particulier comme conducteur) paraît plus contraint en Ile-de-France qu'ailleurs. Il est remplacé par une utilisation plus fréquente des transports en commun et de la marche. L'usage fréquent de ces deux derniers moyens pourrait s'accompagner de la perception d'une gêne dans les déplacements accrue. Cependant, la part des personnes présentant une incapacité est nettement plus réduite qu'en moyenne nationale et ce fait ne résulte pas d'une augmentation significative de l'utilisation des aides techniques ou animales dans la population. De plus, pour les personnes sans incapacité, la distribution des personnes selon leur niveau de gêne est quasiment identique à celle observée en France entière.
Dans la région, le fait d'être ou non affecté par une incapacité détermine par contre, plus qu'ailleurs, la présence ou non d'une gêne dans les déplacements. De plus, pour les personnes avec incapacité vivant en Ile-de-France, il semble bien y avoir un surcroît de gêne ou de limitations (partielles) dans les déplacements. Il ne semble pas lié à un manque d'aides techniques ou animales. Par contre, si ces personnes semblent utiliser plus souvent les transports en commun seules, elles éprouvent en contrepartie davantage de difficultés en le faisant.
Nous allons revenir dans la partie suivante sur la spécificité de la région francilienne, nous intéressant cette fois plus particulièrement aux déficients moteurs.


b) La relation entre déficience, incapacité, gêne ressentie dans les déplacements et zone géographique : le cas particulier de l'Ile-de-France.

Du point de vue de la gêne dans les déplacements, la situation apparaît, en Ile-de-France, très
dégradée chez les personnes présentant une déficience non motrice et une incapacité relative à la mobilité. A cet égard, les déficiences qui s'accompagnent d'une dégradation de la situation des personnes lorsqu'elles demeurent en Ile-de-France semblent être les déficiences visuelles, les déficiences du langage, les déficiences viscérales, les déficiences intellectuelles, cognitives ou mentales. Le plus souvent, il s'agit d'une simple gêne sans limitation sur aucun itinéraire (à l'exception des déficients du langage). De plus, c'est la présence ou non d'une incapacité relative à la mobilité qui détermine tout particulièrement chez les individus affectés par l'une des déficiences précédentes, la présence ou non d'une gêne. Chez les personnes qui sont affectés par une incapacité, la gêne est d'autant plus exacerbée que la marche semble être le principal moyen de transports utilisé par les personnes concernées (les 2/3 des personnes s'étant déplacées la veille).
Les déficients moteurs semblent, quant à eux, dessiner le contour d'une population plus favorisée en Ile-de-France (en tout cas par rapport à leur situation moyenne dans l'ensemble du pays, car en termes bruts ils restent parmi les personnes les plus gênés dans leurs déplacements). Ils sont plus nombreux en proportion en Ile-de-France que dans l'ensemble du pays mais beaucoup moins d'entre eux éprouvent une gêne quelconque dans leurs déplacements et encore moins semblent affectés par une incapacité relative à la mobilité. De plus, quand ils éprouvent une gêne dans les déplacements, c'est bien souvent sans être limités, même sur certains itinéraires. Même chez les déficients moteurs affectés par une incapacité, le fait d'habiter l'Ile-de-France semble apporter un avantage relatif.

Il est possible que les résultats obtenus soient liés à la présence d'un biais de sélection, soit propre à l'enquête (mais dont on ne voit pas complètement le mécanisme), soit du fait des processus migratoires qui se déroulent entre l'Ile-de-France et la Province, soit du fait des différences de taux de mortalité entre les groupes.
L'effet du processus migratoire, s'il existe, serait alors plutôt favorable au départ de la région des personnes sans déficience ainsi que, à l'autre bout du spectre, à celui des personnes partiellement ou totalement limitées. Le processus précédent dépendrait par ailleurs de la nature de la déficience incriminée. Il n'est pas non plus impossible que la présence d'une limitation sur tous les itinéraires soit également, en Ile-de-France, dans un certain nombre de cas, le marqueur d'un état de santé particulièrement dégradé. Pour ces Franciliens, l'espérance de vie serait alors réduite, permettant l'enregistrement, en population, de plus faibles prévalences de personnes limitées sur tout ou partie des itinéraires.

Si on exclue ces risques de biais, on peut se demander pourquoi les personnes déficientes de leurs mobilités déclarent, en Ile-de-France, moins souvent une gêne ou une limitation dans leurs déplacements hors du domicile.
A cet égard, la présente recherche ne lève pas toutes les interrogations.
- En effet, tout d'abord, une part plus importante de Franciliens déficients de la motricité
n'utilisent pas du tout la voiture ;
- Ensuite, si les déficients moteurs utilisent plus souvent les transports en commun, ils déclarent, en même temps, plus souvent des difficultés pour les emprunter. L'explication serait plutôt à trouver dans le fait que les personnes présentant une déficience motrice les empruntent le plus souvent seules, ce qui induit chez elles davantage de difficultés. Le problème de l'accessibilité des stations est, en revanche, un peu moins cité chez les Franciliens que dans l'ensemble de la population française, peut-être parce qu'ils sont moins nombreux à présenter une incapacité sévère susceptible de peser en cette matière ;
- Enfin, les déficients moteurs franciliens sont plus nombreux à déclarer n'avoir pas pu accéder quelque part du fait d'un handicap ou d'un problème de santé.
L'observation des pratiques de déplacements un jour donné confirme, si besoin en était,
l'importance prise par trois moyens de transports particuliers : la voiture, la marche, les transports en commun :
- L'usage de la voiture est surtout important en termes relatifs, en particulier si l'on tient compte de la fréquence moindre de l'utilisation de ce moyen dans l'ensemble de la population de la région.
- L'usage de la marche, et surtout celui des transports en commun, semblent, quant à eux, beaucoup plus fréquents, en valeur absolue, en Ile-de-France qu'en moyenne dans la population.
Sur chacun de ces points, la situation n'est que partiellement modifiée si l'on s'intéresse plus particulièrement aux personnes présentant à la fois une déficience motrice et une incapacité relative à la mobilité. Chez ces dernières, l'utilisation des transports en commun reste en Ile-de-France identique à celle des personnes déficientes motrices en général. Pour l'essentiel, pour ces personnes, l'usage de la voiture en tant que conducteur chute brutalement. Il est partiellement compensé par l'utilisation de la voiture comme passager et par une augmentation plus forte de la marche.

Conséquence de cette situation plutôt avantageuse, les personnes présentant une déficience motrice sont moins nombreuses à regretter ne pas pouvoir se déplacer plus et il semble qu'il leur faut un motif important pour qu'elles ne se déplacent pas.
On peut de même remarquer que les déficients moteurs ont, en Ile-de-France, une pratique beaucoup plus intensive des déplacements que la moyenne : ils sont 23% à ne pas s'être déplacés la veille, contre 37% dans l'ensemble de la population. Pour ceux qui se déplacent, le nombre moyen de déplacement reste élevé et même plutôt supérieur à la moyenne de l'ensemble de la population nationale.
On peut se demander si l'avantage ressenti par les Franciliens déficients de la motricité n'est pas le reflet de la diversité des moyens de transport disponibles, la plus grande possibilité de choix surclassant l'inconvénient éventuel de l'usage de chacun d'eux. En outre, il serait utile de savoir dans quelle mesure les déplacements des personnes sont facilités dans la région par les distances, de fait en général moindres, qu'ont à parcourir les Franciliens, y compris quand ils présentent une déficience ou une incapacité. Malheureusement, l'enquête HID ne permet pas de mettre en relation les distances parcourues, ou le temps qui est consacré aux transports, avec le niveau de la gêne déclarée.

L'enquête Transports Ile-de-France devrait être l'occasion d'approfondir prochainement les points précédents. Elle comporte en effet un protocole devant permettre de mesurer plus précisément les nombres de déplacements effectués par les personnes, ainsi que le nombre des moyens utilisés pour ce faire. Il en est de même d'autres variables totalement absentes du questionnaire HID, telles les distances parcourues et le temps consacré à chaque déplacement.

Elément nouveau et qui compte tenu des résultats obtenus précédemment s'impose, grâce au questionnaire complémentaire soumis aux personnes se déclarant gênées dans leurs déplacements, il sera désormais possible d'apprécier le niveau de satisfaction (ou d'insatisfaction) procuré par l'usage de chaque type de moyen de transport, et ce qu'ils soient utilisés ou non (y compris la marche). Par conséquent, on devrait pouvoir examiner plus précisément le coût d'usage associé aux différentes pratiques de déplacement constatées.